26 décembre 2008
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A la sortie de la messe, il y avait toujours un clochard. Il était gentil et ne faisait pas peur. Cependant, l'avis général des familles était de s'en méfier. Tout le monde lui donnait quelques centimes voire des frances entiers. Tous les dimanches, ma mère nous donnait à ma soeur et moi une pièce pour la quête pendant l'office. Un jour, je n'ai pas mis la pièce au fond du panier. Je l'avais gardé précieusement pour le clochard. Ce dernier s'était beaucoup amusé de mon envie de lui donner cette pièce tout en étant pétrifiée de peur à l'idée qu'il puisse me saisir par le bras. A peine rentrée à la maison j'ai été dénoncée par ma soeur du sacrilège lèz-quête. Ma mère ne prit pas mal ma décision. Après tout j'avais fait acte de charité. Seulement j'avais lésé le curé qui vivait en partie de la quête tandis que le clochard était une personne qui avait choisi ce mode de vie. (Quand on pense que maintenant c'est loin d'en être le cas !). Je cherchais donc un autre moyen d'aider ce clochardcar nous n'avions pas d'argent de poche comme beaucoup d'autre en ce temps là. Ma soeur et moi dormions dans la même chambre. J'attendais qu'elle s'endorme et je me mettais sur le sol sans couverture ni protection du sol. Je me disais que la quantité de froid et d'inconfort que je subissais serait de ce fait otée auprès du clochard. Pendant la nuit, et sans m'en rendre compte je finissais dans mon lit....
Mais j'étais furieuse après ma soeur de cette dénonciation. Alors, un autre dimanche matin, après la messe, nous passions comme d'habitude devant le marchand de journeaux et là ma soeur s'est mise à hurler et à éclater en sanglots : Claude François était mort. Rien n'y faisait pour la calmer. J'essayais d'être gentille mais je ne comprenais vraiment pas sa réaction. Et en plus "tanpis pour elle, elle n'avait qu'à pas me dénoncer".
Puis arrivait l'hiver, la neige et ce fichu climat froid et humide. Même avec cinq manteaux sur le dos, le froid passait au travers et nous glaçait. Tous les soirs, nous étalions nos manteaux, nos chausettes et nos chaussures pour les sécher. Mon père se pris à découvrir le ski et voulait nous y emmener à l'occasion. Les finances du moment ne permettaient pas l'achat de vêtements de ski pour des enfants "en pousse" et en plus pas sûrs de continuer un tel sport ou assimilé. Et puis, moi j'étais bien devant la cheminée et la télé. En effet, nos parents savaient bien gérer notre présence devant le petit écran, mais, en hiver, avec ce froid, dans une région désertée par la culture, gratuite ou non, la télé était notre seul refuge en dehors des parties de cartes ou de petits chevaux.
Il faut aussi dire que ma mère voyait d'un mauvais oeil, mon départ pour la neige vu mon état de santé et les interdictions précises posées par le cardiologue : pas de réglisse, pas de pression atmosphérique (donc pas trop de hauteur), pas de sport violent ou à fort débit sanguin, pas de café ni de tabac dans mon avenir adulte. Par contre il n'a rien dit pour une activité sexuelle. Normal, on n'en parlait pas à l'époque malgrès mai 68.
Enfin bref, c'est comme cela que j'ai passé mes dimanche après-midi devant le grand Jacques Martin. Pour moi, le meilleur moment de la journée était le feuilleton américain. C'est ainsi que j'ai découvert, entre autres, "Drôles de Dames", "Starsky et Hutch", "l'homme de l'Atlantide", "Magnum", "l'Agence tous Risques" et surtout "Mac Guyver".
Mon père était militaire de carrière. Il avait devancé l'appel à 16 ans, et, à force de travail personnel et d'examens réussis, il était devenu stade 4 pour la réparation des radars. Ne m'en demandez pas plus sur sa spécialité. Pour moi, il était dans l'aviation militaire et surtout il était beau en uniforme quotidien avec son calot, sa chemise bleue (avec 3 plis au fer à repasser dans le dos) ou en uniforme de cérémonie avec sa casquette et sa vareuse à une rangée de boutons dorés. Nous recevions donc la publication des armées : le TAM (Terre, Air, Mer). Un article particulier y est apparu un jour. Il s'agissait d'un reportage sur une pension pour jeunes filles de l'armée dans la Seine et Marne : La Maison des Ailes, Echouboulains, 77830 Valence en Brie. Moi qui voulais aller en pension, cela tombait à pic. Mon père fit tout pour que je n'y ailles pas. Il m'a même dit que si j'allais en pension aussi loin, je ne pourrais pas faire de ski comme il se l'était prévu l'hiver suivant. Mes parents m'ont laissé le choix et le temps d'y réfléchir après m'avoir clairement expliqué le pour et le contre. Verdict : OUI je veux y aller ! A ce moment précis commençait ma nouvelle vie, ma vie d'adolescente.