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Comment, en découvrant Internet, une femme découvre l'horreur de sa vie. De quelle façon s'en sortir ?

Hiroshima et Nagasaki / 2

Les victimes 

Les brûlures sur le corps de cette femme suivent le motif de                                                                                    son kimono. Les parties foncées du tissu, qui ont absorbé le                                                                                               rayonnement thermique, se sont échauffées et ont brûlé la peau en                                                                  contact, alors que les parties claires ont réfléchi le rayonnement et                                                                            protégé la peau.

Le nombre des victimes ne sera sans doute jamais connu car les circonstances (ville en partie évacuée, présence de réfugiés venant d'autres villes, destruction des archives d'état civil, disparition simultanée de tous les membres d’une même famille, crémations de masse) rendent toute comptabilité exacte impossible, en particulier des morts survenues dans les premières heures.

§                     D’après une estimation de 1946 : La population au moment de l’attaque aurait été de 245 000 habitants, de 70 000 à 80 000 auraient été tués et autant blessés

§                     D’après une estimation de 1956 : sur une population de 256 300 personnes, 68 000 furent tuées et 76 000 blessées.

§                     D’après une autre plus récente : Sur une population de 310 000, de 90 000 à 140 000 personnes furent tuées.

§                     D'après le maire d’Hiroshima lors d'un discours politique en 2005, le total des morts s’élèverait à 237 062 personnes, mais ce nombre est à prendre avec précautions.

Blessures liées au flash lumineux et aux incendies 

Ces types de blessures retrouvées chez 65 % des survivants blessés de Hiroshima et Nagasaki, furent responsables peut-être de 50 % des décès, causés par plusieurs mécanismes :

§                     Brûlures de la peau découverte par le rayonnement thermique émis pendant une fraction de seconde au moment de l'explosion. Le moindre obstacle opaque a pu apporter une certaine protection : le port de vêtements, en particulier clairs, l’ombre des bâtiments, le feuillage des arbres... C'est peut-être la blessure la plus caractéristique d'une explosion nucléaire.

§                                 Des brûlures du premier degré (érythème évoquant un coup de soleil) furent observées à plus de 4 km (occasionnellement 5 km) de l'hypocentre.

§                                 Des brûlures du troisième degré (mortelles si étendues) sur la peau nue jusqu'à 1,5 km (occasionnellement 2,5 km).

§                                 Les personnes proches de l'hypocentre dont les parties du corps furent exposées au flash ont été instantanément carbonisées jusqu’à l'hypoderme. Elles agonisèrent de quelques minutes à quelques heures (le rayonnement thermique était de l'ordre de 100 c/cm² libéré en l'espace de 0,3 seconde, ce qui est quinze fois plus important que ce qui provoquerait normalement une brûlure au troisième degré).

On estime que le rayonnement thermique a été responsable directement d’environ 20 à 30 % des morts à Hiroshima et Nagasaki.

§                     Brûlures par les flammes : De nombreux incendies éclatèrent dans la ville après l'explosion : en vingt minutes, les feux se réunirent en un seul foyer généralisé, provoquant l'apparition d'une colonne d'air chaud et de vents violents. Cette tempête de feu dura 16 heures et dévasta 11 km2, ce qui ne laissa que peu de chances aux victimes, souvent déjà blessées, qui y étaient piégées. Contrairement aux raids incendiaires conventionnels, l'attaque d'Hiroshima limita considérablement les possibilités de fuite de la population en détruisant une large zone. Ce n'est que lorsque l'ensemble du combustible fut épuisé que le feu s'arrêta. Le nombre des décès liés aux incendies est sans doute très important mais impossible à estimer, car beaucoup de corps ont été détruits par les flammes.

§                     Un effet secondaire, mais tout aussi mortel, fut l'apparition d'une grande quantité de monoxyde de carbone. Ce gaz entraîna l'asphyxie au milieu du foyer et il y eut certainement peu de rescapés. Cependant, aucun témoignage ne confirme l'assertion d'un dégagement massif de CO.

§                     Enfin, ceux qui avaient les yeux pointés vers la boule de feu eurent la rétine brûlée ou endommagée, provoquant des cécités (le plus souvent réversibles). Cette soudaine incapacité à se déplacer empêcha un grand nombre de personnes de trouver un abri et d'échapper à la mort alors que les incendies se développaient.

Blessures liées à l’onde de choc et à l’effet de souffle 

Ces types de blessures furent retrouvés chez 70% des survivants blessés de Hiroshima et Nagasaki, mais elles étaient rarement graves. L’hypothèse la plus probable est qu’immobilisés les blessés graves ont été condamnés quand les incendies se sont développés dans les décombres.

v       Barotraumatisme (effet direct) : lésions internes par rupture des tympans, des sinus, des poumons ou du tube digestif dues à la variation brutale de la pression au passage de l'onde. De telles lésions ont été peu observées (on n’a retrouvé de lésion des tympans, l’organe le plus fragile, que chez moins de 10% des survivants proche de l’hypocentre).

v       Effet indirect, et sans doute bien plus meurtrier :

v       Le passage de l'onde de choc provoqua l'effondrement des bâtiments (jusqu'à 2 km dans le cas des habitations en bois). On estime qu’un grand nombre de victimes succombèrent ensevelies sous les décombres, d'autant que des incendies s'y développèrent rapidement.

v       En se brisant, le bois, le verre et les autres matériaux de construction se transformèrent en des projectiles mortels. Des blessés présentaient des lacérations jusqu'à 2 km de l'hypocentre.

v       Le souffle déplaça brutalement les victimes et les blessa par chute ou écrasement.

Irradiation

Fillette de 11 ans qui avait perdu ses cheveux plus d'une semaine après                                                                              l'explosion. Elle se trouvait dans une maison en bois à 2 km de                                                                          l'hypocentre.

Il y a plusieurs causes d’irradiation :

§                     La principale cause a été l'irradiation instantanée au moment de l'explosion (irradiation externe par neutrons et rayons γ émis par les réactions nucléaires dans la bombe). Elle a représenté une dose létale pour 50% des personnes exposées à l’extérieur (soit 4 Gy) à un peu plus de 1 km de distance de l’hypocentre. Les bâtiments, en particulier ceux en béton, ont apporté une certaine protection.

§                     Beaucoup moins importante (car la bombe a explosé loin du sol) est l'irradiation par la radioactivité induite (activation neutronique) : Au moment de l'explosion, le bombardement par les neutrons a rendu les matériaux près de l'hypocentre radioactifs par formation de radionucléides. Cette radioactivité a diminué rapidement et est restée confinée à une zone où le rayonnement thermique avait normalement déjà presque tout tué. On estime qu'elle représentait le premier jour, au maximum, une dose cumulée de 0,6 Gy. Du deuxième au cinquième jour, elle représentait moins de 0,1 Gy. En quelque jours elle est devenue insignifiante.

§                     Encore moins importante, l'irradiation suite aux retombées radioactives : c'est-à-dire irradiation par les radionucléides produits lors de l'explosion et retombant du nuage atomique sous forme de poussières ou de pluie noire. À Hiroshima, l’explosion ayant été aérienne, il y eut assez peu de retombées car le nuage s'éleva rapidement à très haute altitude où les radionucléides se dispersèrent (dose cumulée totale maximum au sol de 0,4 Gy).

Les signes d’irradiation ont été retrouvés chez 30% des survivants blessés de Hiroshima et Nagasaki, responsable peut-être de 5 à 15% des décès, souvent par syndrome d'irradiation aiguë. Le nombre exact des décès liés au syndrome d'irradiation aiguë est difficile à déterminer car la plupart de ces victimes présentaient également des brûlures thermiques étendues, rapidement fatales avec une symptomatologie générale assez semblable. Aucun effet des radiations n'a été mis en évidence au-delà de 2,4 km de l’hypocentre.

§                     La principale manifestation a donc été le syndrome d'irradiation aiguë: De quelques jours à quelques semaines après l’attaque, les victimes irradiées ont présenté une phase de prodromes avec asthéniecéphaléesnausées et vomissements. Après une phase de latence de quelques jours à quelques semaines au cours de laquelle l'état de santé des victimes semblait s’améliorer survenait une aggravation avec asthénie, céphalées, nausées, vomissements, diarrhéesimmunodépression, perte des cheveux, hémorragies et éventuellement décès. Au bout de 4 mois et en l'absence de décès, l’évolution s'orientait vers la guérison.

§                     Exposition in utero des fœtus, conséquence de l'irradiation de femmes enceintes. Il a été observé des morts in utero (avortement), des retards de croissance, des retards mentaux ou des malformations (non héréditaires).

Effets médicaux à long terme de l’irradiation 

§                     Les leucémies : À partir de 1947, une augmentation de l’incidence des leucémies a été observée parmi les survivants irradiés. Un maximum fut atteint en 1951, ensuite cette incidence a décliné39 pour disparaitre en 1985. Sur 50 000 survivants irradiés suivis de 1950 à 1990, il a été observé 89 cas de leucémies mortelles attribuables aux radiations (soit moins de 0,2% des survivants irradiés suivis) .

§                     Les cancers « solides » : Le suivi des survivants irradiés a montré, à partir de la fin des années 1950, une augmentation progressive de l’incidence des cancers, en particulier ceux du poumon, du tube digestif et du sein. Sur 50 000 survivants irradiés suivis de 1950 à 1990, il a été observé 339 cas de cancers mortels attribuables aux radiations (soit environ 0,6%).

§                     Effets médicaux autres que les cancers chez les survivants irradiés : survenue de cataractes, de stérilité (souvent réversible chez l'homme), d’une augmentation de la fréquence des maladies (non cancéreuses) pulmonaires, cardiaques ou digestives avec une possible diminution de la durée de vie. Le nombre de ces décès semble égal au nombre ou à la moitié du nombre de ceux dus aux cancers et leucémies (soit environ de 0,5% à 1%).

Le nombre des morts dus aux effets à long terme des bombardements nucléaires est, d'après ces chiffres, dérisoires par rapport à celui des victimes des premiers mois. En mars 2007 au Japon, près de 252 000 personnes encore vivantes sont considérées « hibakusha » (survivants de la bombe). Mais, de ce nombre, moins de 1% (2242 exactement) sont reconnues comme souffrant d'une maladie causée par les radiations.

Effets sur la descendance de la population irradiée 

Les résultats du suivi des descendants des victimes d'Hiroshima et Nagasaki (30 000 enfants de parents irradiés, ce qui représente une population statistiquement significative) n'a pas permis d'observer une augmentation des malformations ou des troubles génétiques.

Résistance des constructions 

Le « Dôme de Genbaku », le bâtiment le plus proche de l'hypocentre ayant résisté à l'explosion. Le Dôme était une vitrine pour la promotion de l'industrie dans la préfecture de Hiroshima.

La succursale de la Banque du Japon, à 380 mètres de l'hypocentre, ouvrit à nouveau ses portes deux jours après l'explosion. Le bâtiment est toujours en fonction.

Les bâtiments en béton armé au centre de Hiroshima étaient conçus selon des normes antisismiques. Leur structure résista en général aux incroyables contraintes provoquées par la proximité de l'explosion. Du fait de l'explosion aérienne, le souffle avait une direction plus ou moins perpendiculaire par rapport au sol, ce qui limita peut-être les dégâts. La résistance et la protection qu'offrirent ces structures sont mises en évidence par les chiffres suivants : les chances d'être encore vivantes 20 jours plus tard étaient de 50% pour les personnes qui se trouvaient au moment de l'explosion à:

§                     200 m de l'hypocentre dans un bâtiment en béton (mais chance de survie finale: 12%).

§                     675 m dans un bâtiment (non précisé, bâtiments scolaires).

§                     2 km à l'extérieur d'un bâtiment.

Le « Dôme », centre de promotion de l'industrie de Hiroshima dessiné par l'architecte tchèque Jan Letzel, était très proche de l'hypocentre. Ce bâtiment résista au souffle et fut renommé Mémorial de la paix de Hiroshima. Il fait partie des monuments de l'Unesco depuis 1996 malgré les protestations des États-Unis et de la Chine.

Les résidences traditionnellement en bois furent complètement rasées par le souffle jusqu'à une distance de 2 km de l'hypocentre. Au-delà et jusqu'à 3 km les dommages étaient importants mais réparables, à la condition qu'elles aient survécu aux incendies qui suivirent.

La réaction du gouvernement japonais

Le bombardement de Hiroshima ne modifia en rien l'attitude de Hirohito et du gouvernement qui continuèrent d'ignorer l'ultimatum de Potsdam et ne prirent aucune mesure pour amorcer le processus de reddition, espérant toujours une issue favorable aux négociations avec l'Union soviétique. Le 7 août, Shigenori Tōgō s'enquit encore auprès de l'ambassadeur Satō sur les intentions du gouvernement soviétique.

Interrogé sur la question de la responsabilité par rapport à la guerre et au bombardement de Hiroshima par un journaliste de Tōkyō le 31 octobre 1975, l'empereur se fit évasif et tenta de justifier son attitude : « Nous n'avons pas étudié beaucoup cette question littéraire et en conséquence, nous ne la comprenons pas bien et ne pouvons répondre. Pour Hiroshima, c'est très regrettable que les bombes nucléaires aient été larguées et nous sommes désolés pour les citoyens de cette ville. Cela ne pouvait toutefois être empêché (shikata ga nai) car c'est arrivé en temps de guerre. » 

 

Après la bombe 

Hiroshima avant Seconde Guerre mondiale

Hiroshima fut entièrement reconstruite après la guerre. À l'initiative de son maire, Shinzo Hamai, elle fut proclamée Cité de la Paix par le parlement japonais en 1949.

En guise de témoignage, les ruines du Genbaku Dome, l'un des seuls bâtiments à ne pas avoir été entièrement détruits par l'explosion, furent conservées.

La reconstruction de la ville intègre un Musée de la Paix, dont les bâtiments ont été conçus par l'architecte Kenzo Tange. Un vaste parc, le Parc de la Paix, s'étend sur 12 hectares, à proximité de l'hypocentre de l'explosion, dans lequel chaque année, le 6 août, une cérémonie commémorative est organisée. Ce parc abrite de nombreux monuments à la mémoire des victimes de la bombe. Le cénotaphe contient le nom de toutes les victimes connues de la bombe ; une flamme de la paix y brûle, destinée à rester allumée tant que des armes nucléaires existeront.

Le second ultimatum

Peu après la destruction de Hiroshima et avant de lancer une autre bombe sur Nagasaki, le président Truman lança un nouvel avertissement aux autorités japonaises (traduction du texte original) :

« C'était pour épargner des vies japonaises d'une destruction totale que l'ultimatum du 26 juillet fut formulé à la Conférence de Potsdam. Leurs dirigeants ont immédiatement rejeté cet ultimatum. S'ils n'acceptent pas maintenant nos conditions, ils doivent s'attendre à un déluge de ruines venu des airs comme il n'en a jamais été vu de semblable sur cette Terre. Après cette attaque aérienne suivront des forces marines et terrestres en nombre et en puissance telles qu'ils n'en ont jamais vu et avec les aptitudes au combat dont ils sont déjà bien conscients. »

— White House Press Release Anouncing the Bombing of Hiroshima, August 6, 1945, publié sur le site Web de PBS

Le 8 août, des bombardiers américains inondèrent plusieurs villes nipponnes de pamphlets appelant la population à renverser le gouvernement pour éviter une nouvelle catastrophe. Cette fois, le gouvernement japonais passa sous silence l'ultimatum et ne formula aucune réponse officielle, se concentrant sur une façon d'obtenir de l'Union soviétique la garantie que la Kokutai et les prérogatives de l'empereur seraient protégées.

Pris de court par le bombardement de Hiroshima, Staline mit un terme aux négociations avec le Japon et décida d'entrer en guerre contre celui-ci dès le lendemain.

Nagasaki

Nagasaki durant la Seconde Guerre mondiale 

La ville de Nagasaki était l'un des plus grands ports du sud du Japon et était un pilier du complexe militaro-industriel japonais. Diverses industries y étaient implantées : fabriques d'équipements militaires, entreprises chargées de la munition et des bombes, usines pour la construction de navires et d'avions, etc.

Cet important effort de guerre nécessitait des moyens modernes qui contrastaient avec le reste de Nagasaki : les résidences étaient traditionnelles, avec des structures en bois. Les murs étaient en bois avec parfois du plâtre et les toits étaient couverts de tuiles. Les usines de tailles limitées et les bâtiments commerciaux étaient également construits en bois. Les structures ne pouvaient ainsi résister à de fortes explosions.

Nagasaki s'élargit pendant plusieurs années sans vraiment suivre un plan précis. Les habitations furent placées près des usines dans la vallée et la densité des constructions était élevée. Avant l'attaque atomique, Nagasaki n'avait jamais fait l'objet de bombardements à grande échelle. Le 1er août 1945, quelques bombes de forte puissance furent toutefois larguées sur la ville. Quelques-unes de ces bombes frappèrent le port et les constructions navales dans la partie sud-ouest de la ville. D'autres bombes visèrent les usines Mitsubishi et trois bombes sur six touchèrent l'hôpital de Nagasaki. Malgré des dégâts limités, l'impact sur la population fut important : une partie des enfants fut évacuée vers des zones rurales, accompagnée d'autres personnes.

Le bombardement

Le champignon atomique sur Nagasaki est monté jusqu'à une altitude                                                                 de 18 km.

Le matin du 9 août 1945 à 3h49, le B-29 Bockscar partit de Tinian en direction du Japon. À son bord, la bombe Fat Man qui devait être larguée sur Kokura. Deux autres B-29 décollèrent peu après : The Great Artiste piloté par Frederick Bock et The Big Stink piloté par le lieutenant-colonel Hopkins.

Après 10 minutes de vol, le commandant Ashworth activa la bombe en chargeant les fusibles et ordonna de ne pas descendre en dessous de 1 500 mètres pour éviter une détonation accidentelle. Les trois avions devaient se donner rendez-vous au-dessus de l'île de Yakushima mais Bockscar ne rencontra que The Great Artiste. Pendant plus de 40 minutes, les deux bombardiers tournèrent autour de l'île. Pendant ce temps, les informations météorologiques données par les avions de reconnaissance arrivèrent : des nuages couvraient partiellement Nagasaki et Kokura, mais le bombardement était normalement possible.

L'autre avion n'apparaissant pas, ils se dirigèrent vers Kokura. Arrivé au-dessus de la ville vers 10h20, l'équipage de Bockscar affronta un nouveau problème : la couverture nuageuse à 70 % empêchait le bombardement. Après trois survols de Kokura, l'escadre se dirigea vers Nagasaki, la seconde cible, pour procéder à un bombardement visuel des principales usines de la ville. Bockscar dut cependant faire face à un nouvel imprévu avec l'impossibilité de disposer du carburant de réserve.

À 7 h 50, une alerte aérienne fut donnée à Nagasaki mais fut rapidement levée aux alentours de 8 h 30. Quand les avions apparurent au-dessus de la ville vers 10 h 56, les Japonais pensèrent qu'il s'agissait d'avions de reconnaissance, alors courants, et aucune alarme ne fut donnée.

Quelques minutes avant l'explosion de la bombe, The Great Artiste largua des instruments attachés à trois parachutes. Des messages à destination du professeur Ryukochi Sagane, un physicien spécialisé dans le nucléaire qui avait travaillé avec trois des membres du projet Manhattan, accompagnaient l'équipement parachuté. Les textes lui demandaient d'avertir le public japonais au sujet des dangers de la bombe atomique, mais ces lettres ne furent trouvées qu'à la fin de la guerre.

À 11 h 02, une percée dans les nuages sur Nagasaki permit au bombardier de Bockscar, le capitaine « Kermit » Beahan, de viser la zone prévue, une vallée avec des industries. Fat Man fut alors larguée et explosa à 469 mètres d'altitude. La détonation eut lieu entre les deux cibles potentielles : l'usine d'aciérie et d'armement de Mitsubishi au nord et l'usine de torpilles Mitsubishi-Urakami au sud.

Trois ondes de choc atteignirent les deux avions. The Great Artiste continua sa mission scientifique autour de Nagasaki pendant que Bockscar se dirigeait vers le sud. Le retour vers Tinian ne se fit pas sans encombre. Sans carburant de réserve, Bockscar risquait de devoir se poser en mer. Sweeney décida d'atterrir à Okinawa. C'est quasiment en planant que le bombardier arriva sur la piste, un moteur s'était déjà arrêté en vol. Une vingtaine de minutes plus tard, The Great Artiste atterrissait à son tour accompagné de The Big Stink qui s'était dirigé en solo vers Nagasaki pour prendre des photos.

Les trois avions firent le plein de carburant et retournèrent à Tinian où ils arrivèrent le 9 août à 23 h 30. Les dizaines de minutes supplémentaires passées à attendre The Big Stink permirent à Kokura d'éviter le bombardement suite à une dégradation soudaine des conditions météorologiques.

De même que pour Hiroshima des incertitudes concernant le nombre des victimes existent à Nagasaki. Selon les mêmes sources que nous avions citées à propos de Hiroshima:

§                     D’après l’estimation de 1946 : 35 000 personnes auraient été tuées et un peu plus blessées.

§                     D’après celle de 1956 : sur une population de 173 800 âmes, 38 000 furent tuées et 21 000 blessées.

§                     D’après la plus récente : Sur une population de 250 000, 60 à 80 000 personnes furent tuées.

Il existe à Nagasaki quelques particularités par rapport à Hiroshima :

v       l’arme utilisée étant plus puissante (une puissance équivalente à environ 20 000 tonnes de TNT) les dommages proches de l’hypocentre semblent avoir été plus importants.

v       l’agglomération étant divisée par plusieurs collines les destructions ont été moins étendues car les reliefs ont protégé certains quartiers.

v       l’habitat étant plus diffus la violence des incendies fut plus limitée, ils mirent deux heures pour prendre des proportions importantes, avec une durée de quelques heures et il n'y eut pas de conflagration généralisée.

v       l’arme étant d’un modèle différent (bombe à plutonium au lieu d’une bombe à uranium) la répartition du rayonnement γ et neutrons a été différente, ce qui semble avoir modifié la fréquence des types de leucémies observées.

Après les bombardements

Annonce dans la presse

Vue aérienne de Nagasaki, avant et après l'explosion.

Dès l'annonce par Truman de l'attaque sur Hiroshima, la nouvelle fait le tour du monde. La presse    américaine titre « Atomic bomb, World's Most Deadly, Blasts Japan; New Era in Warfare is Opened by U.S Secret Weapon », « Atom Bomb, World's Greatest, Hits Japs ! » ou encore « Japan City Blasted by Atomic Bomb ». Le New York Times couvre largement l'événement, le mot atomique apparaît des centaines de fois dans l'édition du 7 août.

Le gouvernement américain avait veillé à ne pas trop donner de détails sur l'explosion à Hiroshima. Il passe ainsi sous silence les conséquences possibles des radiations dont les effets immédiats ou à moyen terme, encore mal connus à l'époque, ont été, de toute façon, sans commune mesure avec les ravages provoqués par la boule de feu de l'explosion ; de plus, la lente agonie des survivants a surtout été la conséquence des brulures extrêmes causées par le flash thermique de la bombe. Les militaires voulaient donner l'impression d'être en possession d'une bombe conventionnelle équivalente à plusieurs dizaines de milliers de tonnes de TNT. Aucune photo de la ville de Hiroshima ou du champignon atomique ne sont fournies pour l'édition du 6 août, les journaux se contentent de signaler la position de la ville sur une carte.

En France, l'Aube annonce que « La première bombe atomique a été lancée sur le Japon ». Au Japon, les annonces sont plus discrètes et volontairement faussées, la presse parle de « bombes incendiaires » qui ont causé « quelques dégâts ». Les jours suivants, la situation étant impossible à cacher, les propos se feront plus nuancés en parlant d'un « nouveau type de bombe ».

Dès le 7 août, les militaires confirment la dévastation de plus de 60 % de Hiroshima sans mentionner les pertes humaines. Une photographie aérienne de Hiroshima prise par l'US Air Force est diffusée avec une trentaine de cibles dont seulement quatre objectifs véritablement militaires.

Au fil des jours, des informations seront données pour apaiser la curiosité croissante du public. Les journaux disposent alors de 14 coupures fournies par le Pentagone et les utilisent quasiment sans retouches à la plus grande satisfaction du gouvernement. Ils parlent du projet Manhattan sous des titres encore très flous comme « Atom Bombs Made in 3 hidden Cities » (les bombes atomiques construites dans trois villes cachées). Tibbets et son équipage ne donnent que quelques détails concernant uniquement ce qu'ils ont vu après l'explosion. Parsons indique que sa seule satisfaction fut que la bombe ait correctement explosé et qu'elle « valait la peine pour raccourcir la guerre ».

Presque tous les journaux étaient favorables à la décision de bombarder le Japon. Un léger remords toutefois pour le Washington Post qui écrit :

Même si nous déplorons cette nécessité [d'attaquer avec la bombe atomique], une lutte jusqu'à la mort oblige tous les combattants à infliger un maximum de dégâts à l'ennemi et ceci dans le plus court laps de temps. (...) Nous exprimons sans réserve notre gratitude à l'égard de la science pour nous avoir donné cette nouvelle arme avant la fin de la guerre.

Les 7 et 8 août 1945, aucun journal ne sera publié à Hiroshima. Trente-cinq ans plus tard, le 6 août 1980, une édition spéciale « Hiroshima Tokuho » (le journal fantôme) relata les faits comme si l'explosion venait de se produire et que ses trois reporters accompagnés d'un caméraman avançaient en direction de l'hypocentre.

La troisième bombe

La troisième bombe aurait été du type « Fat Man » au plutonium (modèle Mark MK III).

Schéma de Fat Man.

Après le bombardement de Nagasaki et l'entrée en guerre de l'Union soviétique contre le Japon, les négociations s'activèrent. La fin de la guerre semblait proche mais les États-Unis préparaient le lancement d'une troisième bombe au cas où les deux premières missions n'auraient pas été suffisantes. Le capitaine William Parsons ne fut pas autorisé à quitter l'île de Tinian avant la reddition. Il devait en effet assurer l'approvisionnement et l'assemblage des bombes supplémentaires si le Japon persistait dans le conflit. Les militaires américains voulaient faire croire aux Japonais qu'ils disposaient d'un nombre illimité d'armes nucléaires. Les théories sur la troisième bombe sont multiples mais les témoignages se recoupent sur un point : une bombe supplémentaire ne pouvait pas être prête avant quelques semaines.

On pense également que les militaires avaient eu une grande marge de manœuvre de la part de Truman. Stanley Goldberg fait remarquer que c'est probablement le général Groves qui eut le dernier mot pour le bombardement sur Nagasaki. Groves devait démontrer l'importance de cette bombe pour expliquer l'énorme investissement consenti pour le projet Manhattan.

Dans les archives du général Spaatz, il est mentionné que l'US Air Force désirait larguer la troisième bombe sur Tōkyō si les Japonais ne rendaient pas les armes assez vite. En réponse à cette requête, il était indiqué que la décision avait déjà été prise et que la cible serait Sapporo sur l'île d'Hokkaido.

Le major Charles Sweeney, pilote de Bockscar, prit part au dernier raid contre le Japon le 14 août 1945. Les B-29 les plus importants (Enola Gay et Bockscar) restèrent sur Tinian, de même que The Great Artiste qui contenait tout le matériel nécessaire à l'analyse d'une autre explosion atomique. Deux B-29 s'envolèrent pour les États-Unis afin de charger du matériel et des composants destinés à l'assemblage d'une bombe supplémentaire.

Richard Frank affirme que le général Marshall et le général Groves avaient retardé le transport de la troisième bombe et que celle-ci ne pouvait pas être disponible avant le 21 août 1945. Selon Chuck Hansen, les États-Unis disposaient de deux bombes de type Fat Man à la fin de l'année 1945 mais on ne connaît pas la date exacte de leur assemblage.

Quant aux scientifiques du Laboratoire national de Los Alamos, plusieurs témoignages concordent pour dire qu'un cœur de plutonium était en cours de fabrication et de livraison. Oppenheimer ordonna lui-même, sans un ordre explicite de Truman, de ne pas charger la matière radioactive qui devait prendre la route de San Francisco. Ce morceau de plutonium devait vraisemblablement arriver à Tinian aux alentours du 20 août

 

La reddition du Japon

Conférence impériale du 14 août au cours de laquelle l'empereur Shōwa (à gauche) informa les membres du Conseil suprême de son intention d'annoncer la reddition de l'empire du Japon pour le motif que l'ultimatum de Potsdam et la réponse du secrétaire d'état américain offraient des garanties suffisantes à la préservation du Trône et du régime impérial.

L'invasion soviétique au Mandchoukouo précipita la décision de Hirohito, le 9 août, il demanda à son garde des sceaux Kōichi Kido d'organiser une conférence impériale pour « contrôler la situation » car « l'Union soviétique a déclaré la guerre et débuté les hostilités contre nous ». Au cours de cette conférence tenue dans la nuit du 9 au 10, l'Empereur annonça sa décision de se rendre à l'ultimatum des alliés et demanda la préparation d'une déclaration impériale à la condition que cette déclaration « ne porte pas préjudice aux prérogatives de Sa Majesté à titre de Souverain ».

Le 12, Hirohito informa officiellement la famille impériale de sa décision. Le prince Asaka, l'un des oncles de l'Empereur, lui demanda alors : « La guerre continuera-t-elle si l'institution impériale et la politique nationale (kokutai) ne peuvent être préservées ? » Ce à quoi Hirohito répondit laconiquement : « Bien sûr. »

Le 14, pendant qu'une tentative de mutinerie d'un petit groupe de militaires opposés à la reddition était matée, Hirohito approuva la déclaration impériale et, le lendemain, livra son célèbre discours à la radio (allocution connue sous le nom de Gyokuon-hōsō). Le rôle de la bombe atomique y était essentiel : elle constituait une « arme nouvelle et terrible » capable de « détruire la nation japonaise », et le seul moyen de sauver des millions de vies japonaises était la reddition. L'entrée en guerre de l'Union soviétique n'y était pas mentionnée.

Le 17, il émit un « édit aux soldats et aux marins » leur ordonnant de déposer les armes et liant sa décision de procéder à la reddition à l'invasion soviétique du Manchukuo, passant sous silence les bombardements atomiques

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